Malgré une diminution régulière de la consommation moyenne d'alcool pur par an et par habitant depuis 1970, la France se situe au troisième rang européen, avec la morbidité et la mortalité qui en découlent. L'usage inadapté de l'alcool est la cause directe ou indirecte d'une consultation sur cinq en médecine générale, de 30 000 à 35 000 décès par an. Il se traduit aussi dans de nombreux passages à l'acte, violences, suicides, accidents, etc...
Toutes les classes sociales sont touchées (alcoolisme mondain)
En France on estime à deux millions et demi les buveurs excessifs et à un million et demi les alcoolodépendants. Mais la frontière entre les deux n'est pas toujours claire, ni facile à
Déterminer.
Le diagnostic précoce d'une consommation excessive d'alcool améliore les chances de réussite d'une prise en charge thérapeutique.
Les consommateurs excessifs d'alcool restent insuffisamment diagnostiqués. La plupart des malades ayant un problème avec l'alcool hésite encore à consulter un médecin et tendent à minimiser les quantités consommées (en général, ils divisent les quantités par deux).
La peur d'être étiqueté comme un "alcoolique", avec toute sa connotation péjorative, freine trop souvent les buveurs excessifs à parler de leurs problèmes d'alcool à leur médecin, de plus certaines personnes ne font pas la relation entre leurs symptômes physiques et leur consommation d'alcool. Pourtant l'alcoolique est un malade comme un autre, sa relation à l'alcool est pathologique : Après un ou deux verres, il ne peut plus s'arrêter de boire, il ressent le besoin d'un 3e, d'un 4e etc... il ne peut plus contrôler sa consommation ; puis au fil des années va s'installer la dépendance, comme avec toute drogue.
* Les questionnaires d'auto-évaluation ont été élaborés pour aider tout un chacun à évaluer sa consommation d'alcool et à renforcer la prise de conscience de la maladie.
TEST de DEPENDANCE à l'ALCOOL (questionnaire CAGE)
1-Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation
de boissons alcoolisées ?............................................ Oui/Non
2-Votre entourage vous a-t-il fait des remarques au sujet de votre
consommation ? ............................................................ Oui/Non
3-Avez-vous déjà eu l'impression que vous buviez trop ? .. Oui/Non
4-Avez-vous déjà éprouvé le besoin de boire de l'alcool dès le matin
pour vous sentir en forme ? .......................................... Oui/Non
Interprétation:
1 oui = 50% de valeur prédictive de dépendance à l'alcool.
2 oui = 90%
4 oui = 99%
* Quelques fausses idées sur l'alcool
L'alcool désaltère : l'alcool au contraire déshydrate, notamment en faisant uriner davantage C'est d'ailleurs cette déshydratation qui provoque l'effet "gueule de bois" après excès.
L'alcool donne des forces. Non, l'alcool provoque une sensation d'euphorie qui donne une sensation de force. L'épuisement à l'effort est au contraire très rapide, voire dangereux.
L'alcool réchauffe. La sensation de chaleur est due à la dilatation des vaisseaux sous la peau. En réalité, la température du corps s'abaisse d'un demi-degré par fraction de 50 g d'alcool absorbé. La sensation de chaleur peut donc masquer un abaissement de température et entraîner des problèmes graves par temps froid.
Dilué dans l'eau, l'alcool est moins toxique. La quantité d'alcool absorbée est bien évidemment la même.
L'alcool donne de meilleurs réflexes : c'est l'inverse. Avec une alcoolémie de 0,80 g/l la distance d'arrêt d'un véhicule roulant à 100 km/h est augmentée de 14 mètres. De plus, l'inadaptation des gestes, les troubles de la vision et le mépris du danger (grâce à l'effet anxiolytique de l'alcool) peuvent être sources d'accidents graves.
L'alcool ne fait pas grossir. L'alcool apporte 7 calories par gramme donc environ 100 calories dans un verre de vin. De plus, il s'agit de calories favorisant le stockage de "mauvaises graisses".
L'exercice accélère l'élimination de l'alcool. Non, ni le froid, ni l'effort n'accélèrent l'élimination de l'alcool. En revanche, l'élimination varie fortement selon les individus.
Les hommes supportent mieux l'alcool que les femmes. C'est en partie vrai, mais cela dépend des individus (habitude, maladies, poids, repas, etc..)
* Les conséquences de l'abus d'alcool affectent le buveur lui-même, son environnement immédiat mais également le reste de la société. Elles entraînent des problèmes au niveau :
de la santé mentale et physique (buveur, entourage),
du travail (absentéisme, baisse de la productivité et de la qualité, ...),
des accidents, de la route, domestiques, du travail
du désordre public (délinquance, violence, ...)
des familles (disharmonie, maltraitance ou négligence des autres membres, difficultés économiques et sociales, ...)
*Tabac et alcool vont souvent de pair selon de nombreuses études. On estime entre 71 et 97 % la proportion d'alcooliques étant fumeurs. Plusieurs auteurs ont mis en évidence une corrélation positive entre la dépendance à l'alcool et la dépendance au tabac. Cette co-dépendance peut être problématique lors de la désintoxication d'alcooliques fumeurs.
*La femme alcoolique
L'alcoolisme maternel est la première cause évitable de retard mental des nouveau-nés dans les pays occidentaux.
L'anxiété, la dépression et la solitude se retrouvent chez la majorité des femmes alcooliques. Près de 80 % des femmes justifient leur alcoolisme suite à des problèmes psycho-affectifs
Vulnérabilité de la femme face à l'alcool
A âge et poids égaux et pour une même quantité d'alcool, l'alcoolémie de la femme est supérieure à celle de l'homme. L'explication de ce phénomène provient de l'enzyme impliquée dans le métabolisme de l'alcool qui présente une activité moindre chez la femme. D'autre part, la quantité d'eau dans le corps de la femme étant plus faible, la concentration de l'alcool dans les tissus et dans le sang s'effectue plus rapidement que chez l'homme. Les hormones ovariennes affectent également le métabolisme de l'alcool et la prise de contraceptifs oraux et la ménopause augmentent la vulnérabilité de la femme face à l'alcool.
La cirrhose apparaît plus rapidement chez la femme que chez l'homme. Une consommation chronique d'alcool augmente le risque de cancer du sein et une intoxication chronique peut être source de stérilité chez la femme.
* Les effets de l'alcoolisme sur la santé :
Ils sont très nombreux, en voici une liste non exhaustive :
- Fatigue chronique
- Hypertension artérielle
- Problèmes sexuels
- Gastrite constante
- Atteinte des nerfs des membres inférieurs (polynévrites) se traduisant par des crampes nocturnes au début
- Cancers divers : bouche, larynx, oesophage, foie...
- Délires et troubles psychiatriques divers
- Troubles de la mémoire des faits récents
- Atteinte du nerf optique
- Toxicité pancréatique : pancréatite chronique, ou aiguë (très douloureuse et dangereuse), diabète
- Stéatose hépatique aboutissant à la cirrhose et ses varices dans l'oesophage (risque hémorragique fatal) voire à un coma hépatique
* Le traitement :
Cesser de boire totalement (le sevrage) est une étape obligatoire vers la guérison. Beaucoup de patients la redoutent : ils ont déjà essayé, et souvent à plusieurs reprises, seuls ou pas, sans réussite.
Ce sevrage ne réglera pas tout, ce n'est qu'un premier pas, indispensable certes, mais la finalité doit être le maintien au long cours de l'abstinence d'alcool, condition de l'amélioration de la qualité et de la durée de vie. En effet, la diminution des doses d'alcool ingérées, qui peut se justifier chez les buveurs excessifs non alcoolo-dépendants, est totalement inefficace à moyen et long terme chez les alcoolo-dépendants (comme chez les fumeurs).
Le patient sera clairement informé des conditions du traitement afin d'y réfléchir, si possible avec son entourage. Le patient doit être rassuré (les cures de dégoût et autres brimades ont disparues), mais aussi responsabilisé : Il faut qu'il soit prêt à arrêter et à en faire l'effort sinon ce sera l'échec. Donc pas de précipitation (du genre : décision de faire une cure à 2 h du mat, complètement bourré ! !)
-Hôpital ou pas (cure ambulatoire)
* Cure ambulatoire :
Une grande partie des cures de sevrage peut se faire sans hospitalisation, chez le patient. Elle permet de ne pas couper le patient de son milieu de vie, milieu au sein duquel il devra ensuite maintenir son abstinence.
Dans quels cas :
refus du patient d'une hospitalisation (appréhension, déni de la gravité du problème),
absence d'indication formelle d'un sevrage hospitalier
motivation claire du patient,
bonne observance prévisible du traitement médicamenteux,
état physique (pas de signes importants de dépendance physique) et état psychologique satisfaisant,
entourage familial et social de qualité et motivé,
disponibilité d'une équipe de soignants pour un suivi rapproché pendant les premiers jours.
*Cure hospitalière :
alcoolo-dépendance sévère faisant craindre un symptôme physique de sevrage,
échecs d'un ou de plusieurs sevrages ambulatoires précédents,
maladies associées ou risque suicidaire,
antécédents d'épilepsie,
autres dépendances (hors café et tabac),
nécessité d'isolement familial ou social du sujet.
- Les méthodes :
Il s'agit essentiellement d'éviter la survenue d'un syndrome de sevrage avec tremblements, anxiété, au maximum le delirium tremens ou crise d'épilepsie.
En ambulatoire l'arrêt de travail, fréquent, n'est pas systématique. En hospitalier la durée d'hospitalisation est en moyenne en France de deux à trois semaines.
En ambulatoire un suivi médical quotidien les trois premiers jours, puis plus espacé, est nécessaire. Le malade et son entourage doivent pouvoir joindre un médecin en cas de survenue d'un événement indésirable.
Un apport hydrique par voie orale en ambulatoire, en perfusion en milieu hospitalier, sera entrepris, de l'ordre de trois à quatre litres par jour.
L'arrêt de l'alcool est le plus souvent brutal, mais un arrêt progressif sur une durée de trois jours par exemple est parfois préconisé en ambulatoire.
Un soutien psychothérapeutique : médecin, famille, association d'anciens alcooliques ( Alcooliques Anonymes, Vie Libre, etc...)
.
Une vitaminothérapie B1, à laquelle sont souvent adjointes les vitamines B6 et B12, est classiquement recommandée.
prescription de tranquillisants :
Benzodiazépines (ex. diazépam, clorazépam, lorazépam, oxazépam...), Tétrabamate (méprobamate), Fébarbamate/Phénobarbital sont souvent prescrits pendant une durée limitée dans le temps avec diminution progressive des doses dès le 10-15e jour de traitement si possible, du fait du risque de survenue de dépendance et d'augmentation des effets de l'alcool si rechute, il y avait
La prescription de sédatifs n'est pas nécessaire si les risques de syndrome physique de sevrage sont faibles.
Mise en route dès que possible d'un traitement médicamenteux (acamprosate, naltrexone) visant au maintien du sevrage alcoolique et qui sera poursuivi plusieurs mois en post-sevrage..
-Quelques recommandations pendant le sevrage :
1. l'arrêt de l'alcool peut vous rendre nerveux, tendu, insomniaque, provoquer des sueurs et des tremblements. Vomissements et diarrhées peuvent survenir. Votre médecin peut vous prescrire des médicaments permettant de les faire disparaître.
2. Vous pourrez avoir soif et devez boire de l'eau ou des jus de fruit sans excéder trois litres de liquide par jour. Pas trop de café ou de thé : ils contiennent des excitants pouvant perturber le sommeil et vous rendre nerveux.
3. Essayez d'éviter stress et contrariété. L'important est de ne pas céder à la survenue soudaine d'une envie d'alcool : parlez à un ami, relaxez-vous, partez pour une promenade, écoutez de la musique, prenez une douche etc...
4. Sommeil. Vous verrez que même avec des somnifères, ou lorsque leur dose est réduite par votre médecin (ce qui est nécessaire au bout de quelques semaines), le manque de sommeil (souvent surévalué) ne vous nuit pas, contrairement à la réalcoolisation. Ne vous inquiétez pas, votre sommeil reviendra progressivement à la normale en quelques semaines. Essayez de vous coucher plus tard.
5. Même si vous n'avez pas d'appétit, mangez une alimentation équilibrée aux heures des repas. Votre appétit reviendra.
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