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La grève des urgences est-elle utile et juste ?Depuis le 15/11/01, les médecins généralistes français font la grève des urgences de nuit, grève étendue aux week-ends ensuite face au mutisme des autorités de tutelle. L'originalité de cette grève est qu'elle part de la base et exprime un ras-le-bol de la profession, qui se traduit chez les jeunes médecins par une désaffection du métier de généraliste au profit de postes salariés ou de médecines spécialisées, de préférence les moins fatigantes et les plus rentables (d'où pénurie d'obstétriciens, d'anesthésistes, d'urgentistes, de chirurgiens, etc..). On peut craindre à terme (10 à 15 ans) la quasi-disparition du médecin généraliste. Elle sera la faute non seulement de la profession (trop indépendante et trop disparate) mais aussi des pouvoirs publics, des malades eux-mêmes (de plus en plus exigeants et procéduriers), des médias et des politiques qui aiment « bouffer du médecin » (c'est très démagogique). Ceci dit la grève des urgences est discutable et dangereuse car elle peut mettre des vies en jeu, en particulier dans les zones rurales, éloignées des hôpitaux et des SAMU. Elle pourrait engager la responsabilité du médecin gréviste en cas de « pépin », mais aussi celle des gouvernants qui traînent les pieds. A noter d'ailleurs que toute grève prenant en otage la population est tout aussi dangereuse : une grève de la RATP et ses embouteillages n'entrave-t-elle pas la circulation des ambulances et autres services d'urgence ? Sur le plan éthique, la grève des urgences de nuit est difficilement défendable, ce qui traduit bien le malaise profond d'une profession acculée et désespérée. C'est une sorte de démission devant les responsabilités, écho de l'irresponsabilité des autorités de tutelle et d'une partie de la population. Il y a cependant d'autres moyens de pression pour satisfaire les justes revendications des généralistes, revendications qui vont bien au-delà de la revalorisation tarifaire, contrairement à ce que laissent entendre les médias : Les médecins sont-ils responsables du prix des médicaments ? Les médecins sont-ils responsables du vieillissement de la population ? Les médecins sont-ils responsables du chômage ? Les médecins sont-ils responsables de la délinquance ? (mais ils en sont les victimes) Les médecins sont-ils responsables des progrès techniques de plus en plus coûteux ? Les médecins doivent-ils continuer à travailler 50 à 60 heures par semaine pour financer les 35 heures ? Les médecins doivent-ils continuer à assurer des gardes de nuit ou de WE sans repos compensateur ? Tout ça pour être matraqué de charges sociales et d'impôts divers, pour être à tort considéré comme des nantis, pour être accusé du déficit chronique de la Sécu, pour être méprisé par les hospitaliers et autres spécialistes, etc.... La liste pourrait être longue voire lassante et la grève ne réglera pas tous les problèmes dont certains sont plutôt des problèmes de société et d'autres nécessitent une refonte profonde du système de soins. Sans réforme, ce ne sont pas les médecins qui « trinqueront » le plus mais les patients, et ils commencent à en prendre conscience....
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